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14 juin 2018 4 14 /06 /juin /2018 12:11

Le château Daudruy était situé 20 rue Thiers à Rosendaël.

A cette adresse on trouve dans le recensement de la population en 1936:

Daudruy Charles, né en 1883, marchand de légumes, patron

Vancauwenberghe Aline, né en 1887, son épouse

Ils y vivent avec leur nièce Lucienne Reumeaux, née en 1903, orpheline

 

A Rosendaël, on appelait "château", de belles propriétés de riches Dunkerquois, comme par exemple le château Loubry ou le château Didier.

L'histoire de ce château pendant la guerre est assez mystérieuse. Il se passe des phénomènes étranges. 

Gratienne Denière-Soyez nous la raconte dans son ouvrage "Sur la Paille".

Elle habitait 15 rue Danton. Sa maison et le château avait un mur mitoyen commun aux deux jardins. 

 

 

plan du site

plan du site

Dans son ouvrage écrit sous forme de journal, j'ai repris tout ce qui concernait le châeau.

SAMEDI 7 SEPTEMBRE 1940

 

-          Comment se fait-il qu’ils allument toujours la lumière dans la cour dès que tombe à peine la brune, au château Daudruy. Je croyais qu’il n’y avait personne…il ne semblait pas habité depuis notre retour !

-          Non, je ne crois pas qu’il soit habité ! A moins qu’il n’y ait des réfugiés de Dunkerque placés là depuis peu ! En tout cas je n’y ai encore remarqué personne. Les fenêtres ne sont même pas ouvertes durant la journée, qu’il fasse beau, qu’il fasse mauvais temps, c’est toujours la même chose !

-          A moins que ce ne soit des Allemands !

-          S’il y avait là des Allemands, je crois qu’il y aurait plus de bruit, on les entendrait parler et je ne pense pas qu’ils allumeraient la lumière !

-          C’est bien énigmatique, cette lumière. En tout cas, cela risque de nous jouer de mauvais tours !

 

DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 1940

 

            Ce soir, même remarque au sujet de la lumière. Cela devient bien inquiétant. Il y a peut-être longtemps que ça dure, ce manège, car nous, avec nos volets fermés de bonne heure et tous nos camouflages, nous ne pouvions réellement pas nous en apercevoir ! Nous en sommes bien contrariés car nous serons plus exposés aux bombardements à cause de ce que l’on ne peut même plus appeler négligence !

 

LUNDI 9 SEPTEMBRE 1940

 

            Dès le matin, avant mon départ pour l’école, je suis Maman chez Madame Bourbillon pour lui parler de nos observations au sujet de la lumière qui éclaire la cour chaque soir, une lumière puissante précisons-nous, juste au bout de notre jardin. Cela devient inquiétant pour nous, d’autant plus qu’il n’y a que nous qui pouvons la signaler car cette lumière n’est visible que de nous-mêmes et pourtant, elle constitue un danger pour tout notre quartier. Cela concerne donc tout le monde.

-          Oui, j’ai déjà remarqué plusieurs fois cette lumière moi aussi. Ce doit être la bonne qui allume le soir avant de s’en aller, mais le pire, c’est quelle oublie sûrement de l’éteindre car à plusieurs reprises elle est demeurée toute la nuit. Marc (son mari) est allé plusieurs soirs déjà au bout du jardin pour crier : lumière ! Lumière ! Mais personne ne répond jamais à notre appel. Marc est même grimpé dans le peuplier afin de regarder par-dessus le mur. Mais il n’a vu personne.

-          Il faudrait peut-être alerter la Défense Passive, car eux peut-être y pourraient quelque chose !

-          Nous y avons pensé aussi. Mais comment y parvenir. Leur entrée donne rue Thiers, la porte est fermée au cadenas, la sonnette ne répond pas, et le parc est bien grand de ce côté, il n’y a pas moyen d’y parvenir d’une façon ou d’une autre !

-          Ciel ! Qu’allons-nous devenir !

-          Je ne sais pas ! Est-ce de l’insouciance, de la négligence, de l’étourderie, en tout cas, c’est un geste criminel !

 

MARDI 10 SEPTEMBRE 1940

 

            Oui, c’est bien la femme de ménage qui vient passer là ses nuits en brillante compagnie, nous dit Maman ce midi au retour du travail. Nous l’avons appris ce matin. Cela ne nous regarde pas, mais il est bien évident qu’elle pourrait ne pas allumer cette lumière ! Cela finira par nous jouer certainement un mauvais tour.

            - Il est question d’en parler à monsieur Leroy, le chef de la Défense Passive, nous dit Maman. Nous avons signalé le fait aux voisins qui vont s’en charger !

 

MERCREDI 11 SEPTEMBRE 1940

 

            Ce soir, encore et toujours cette lumière au fond du jardin ! Et il fait encore jour ! Je ne vis plus, tant je suis anxieuse à ce sujet. C’est évident, il faudrait faire quelque chose !

            Et puis, pendant que nous soupons, il n’est pas tard encore, un avion passe soudain, très bas, rasant les toits.

            - Un chasseur, dit Robert.

            - C’est peut-être un Anglais. A cause de cette lumière.

            - Pas le temps d’aller à la cave !

            - Soudain une explosion ! Puis plus rien, l’avion s’étant éloigné, sans même reprendre de l’altitude.

            - En famille, nous essayons de comprendre. Robert et Papa se précipitent au grenier, pour essayer de voir par la fenêtre. Ils redescendent presque aussitôt, nous disant qu’ils ne peuvent rien voir, mais qu’il n’y a plus de lumière.

            - Mais vous pouvez quand même voir si le château est toujours là, ou s’il est endommagé.

            - Mais non, nous ne pouvons rien voir, il fait trop noir !

            - Mystère ! Que peut-il donc s’être passé ? Le saurons-nous jamais !

            - Nous descendons tous avec beaucoup de prudence au jardin où nous rejoignons les Bourbillon qui y sont déjà, aussi perplexes que nous-mêmes.

            - Etait-ce un avion anglais ?

            - Etait-ce un bombardier ? Il avait vraiment un vol très rapide !

            - C’était peut-être un chasseur, à cause de cette lumière ! C’est peut-être un avertissement de la part des Allemands.

L’énigme pour nous demeure complète. Peut-être aurons-nous la solution demain. D’ailleurs nous ne sommes pas les seuls à être intrigués, tous les gens du quartier sont dans la rue, faisant à mots couverts des commentaires aussi nombreux que variés, chacun étant aussi intrigué que nous le sommes nous-mêmes.

 

JEUDI 12 SEPTEMBRE 1940

 

Madame Bourbillon nous demande si tout s’est bien passé, puis elle ajoute :

-          Et vous savez hier au soir, la femme de ménage a bel et bien été blessée au bras. L’on ne sait toujours pas ce qui s’est passé. Il y a des traces d’éclats un peu partout.

-          Même sur notre façade, dit Robert, sur les murs de notre cuisine et de notre salle à manger, il y a quelques traces dans la brique, toutes fraîches. Nous aurions pu être blessés nous aussi.

 

 

 

 

 

Château Daudruy

DECEMBRE 1940

 

            Nous venons de nous mettre à table pour le repas du soir. Maman nous a fait croustiller sur le gril des harengs. C’est la pleine saison et c’est un mets qui ne nécessite pas de matière grasse. Et que de plus nous trouvons excellent : il est vrai que nous sommes Dunkerquois !

-         Pour une fois je me ré...

Maman me coupe d’un geste net en tendant l’oreille et nous fait signe du doigt, pointant ce dernier vers le ciel avec un air un désespéré, puis dit tout bas :

-         Ils sont déjà là…

Nous écoutons à notre tour. Et bien oui, ils sont là. Nous entendons un vrombissement lugubre qui troue l’obscurité et l’air glacial. Il me semble n’y avoir cependant qu’un seul avion.

-         Il est bas, dit Robert. Ce doit être un avion de reconnaissance…à moins que ce ne soit un chasseur.

Tout en parlant il se dirige en trombe vers la porte pour tenter de voir ce qu’il se passe. Nous nous levons à sa suite avec l’idée de descendre à la cave, nous !

Il a à peine le temps d’ouvrir la porte qu’une explosion sourde se fait entendre en même temps qu’un bruit d’éboulement rapide comme l’éclair tandis que nous sommes étrangement secoués, debout dans notre cuisine.

-         Venez vite voir ! nous crie Robert, toute cette poussière. Est-ce de la poussière ? Est-ce de la fumée ?  En tout cas c’est tombé sur le château Daudruy ! Mais cette fois, il est à plat ! On ne le voit plus !

-         On ne le voit plus peut-être à cause de ce nuage monstre qui nous le camoufle !

-         Moi je ne saurais pas dire comment c’était auparavant ! le voyait-on si bien ce château ?

-         Et puis il fait tellement noir !  Pourrait-on y voir quelque chose même s’il n’y avait pas cet incident ?

-         Nous verrons bien demain matin, au point du jour. On ne sait même pas s’il est habité.

-         En tout cas, moi je sais une chose, dit Robert avec stupéfaction ; regardez donc ici ! J’ai entendu quelque chose me siffler à ras de l’oreille, juste au dessus de ma tête tandis que je venais juste de sortir sur le seuil, j’avais la main appuyée au mur, et tout juste à côté de l’endroit où elle était placée, voyez ci qu’il y a là, bien fiché dans la brique : un fameux éclat bien brillant et encore brûlant. Il est tellement bien coincé que je ne peux pas l’en retirer !

-         Mais c’est bien vrai, ce qu’il dit !

Robert a bien failli être blessé ou tué ! Nous le sermonnons pour son intrépidité, pour sa hardiesse. Cela lui jouera sûrement de mauvais tours un jour. Mais il en rit. Peut-être a-t-il bien raison : « va où tu veux meurs où tu dois » dit un proverbe connu.

-         Mais qu’est-ce qu’ils peuvent bien vouloir à ce château Daudruy ?

-         Je n’y comprends rien !

-         On va finir par se faire tuer dans ce coin maudit !

Nous demeurons encore longuement dehors, essayant d’apercevoir ce château qui ne se trouve qu’à une cinquantaine de mètres de chez nous. L’obscurité est si profonde que nous ne voyons absolument rien…

-         Existe-t-il encore ?

-         Entrez donc, nous le verrons demain !

Ce qui me surprend le plus, c’est que nous n’avons pas eu peur. Nous n’avons pas eu le temps d’être effrayés. Tout était déjà réalisé avant que nous ayons eu l’occasion de réagir !

Mais c’est ensuite que nous mesurons les effets catastrophiques tels qu’ils sont réellement et comme ils auraient pu être. L’émotion ne survient que tardivement. Une fois encore, nous l’avons échappé belle !

Mais nous n’avons plus faim !

 

 

Démolition des ruines du châeatu

Démolition des ruines du châeatu

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commentaires

G
je vous ai écrit en privé sur FB, pour votre problème de lecture de commentaire
Répondre
L
Je n'ai pas reçu le message secret sur facebook

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