Jean-Baptiste Delambre part de Paris dans une berline verte spécialement aménagée. Véritable ancêtre de la caravane, conçue par le Chevalier de la Borda, elle
comporte une table démontable avec rallonges, des banquettes confortables et transformables en lit. Les parois contiennent des niches où se rangent thermomètre, compas, hygromètre à cheveu,
pendule, lunettes de poche et dans le plafond y sont rangées les cartes.
Delambre prend la route le 24 juin 1792 avec son assistant, le citoyen Bellet essentiellement chargé de l'entretien des instruments d'astronomie et d'horlogerie.
Ce dernier, très pessimiste, alors qu'ils rencontrent des manifestants sur leur chemin, déclare: " Je pense que si nous sommes envahis, il n'y aura plus rien à mesurer. Je pense que si les
Anglais prennent Dunkerque, votre expédition est foutue". Delambre se fâche et hurle: "Si Dunkerque tombe, si Perpignan tombe, on continuera. Il faudra qu'on continue".
A Saint-Denis, la foule les arrête et la malle est suspecte. Nos deux compères déclarent qu'ils se rendent à Dunkerque pour leur travail. Un groupe de volontaires rétorque: " Dunkerque ! on y va
à Dunkerque. Viens donc te battre avec nous!". Après de longues discussions où Delambre et Bellet craignent pour leur vie, la situation s'arrange. Après bien des péripéties et un retour
à Paris, ils se retrouvent sur la route de Dunkerque. On est déjà en décembre et "les vents, la pluie et la neige se succcèdent pour nous désoler" constate Delambre. Ils ont une lettre de
recommandation du chef de l'armée du Nord, le général Custine, "parce que le théâtre de la guerre n'est pas fort éloigné de celui de mes opérations" dit Delambre.
"Nous avons une petite armée au pied de Mont-Cassel. Les avant-postes ennemis sont près de la montagne des Chats, où j'ai une station à laquelle je suis obligé de renoncer". En route, leur
berline se retrouve parmi un bataillon de volontaires, principalement des artisans: des peintres, des tisserands et autres, ainsi que de nombreuses femmes. Delambre constate que beaucoup sont
pieds nus, sans uniforme avec leur tenue de métier. Les deux astronomes sont invités à partager leur bivouac.